En mai 2009, la Commission Européenne a publié une Communication sur la politique de qualité des produits agricoles dans laquelle elle expose des lignes directrices sur la future réforme de la politique de qualité. Ce document ne comporte pas quatre problématiques essentielles :
· L’introduction d’outils pour la gestion de la production
· La protection des deux concepts de DOP et IGP
· Un même niveau de protection pour toutes les Appellations
· Un renforcement du système IG au niveau international
I. Gestion du potentiel de production : les Organisation de gestion des IG doivent pouvoir gérer la production afin de sauvegarder et promouvoir les produits de qualité.
Dans sa Communication, la Commission Européenne souligne que les DOP et les IGP insistent sur la nécessité d’avoir davantage de droits et de contrôle sur leur secteur, ce qui permettrait une amélioration de la production en terme d’image, de prestige et de fiabilité, et de surcroît une augmentation de la rémunération des producteurs. La gestion de la production est un sujet fondamental pour le secteur du vitivinicole et particulièrement en vue des prochaines libéralisations (2015), annoncées dans la réforme de l’OCM vin.
Aujourd’hui, le secteur du vitivinicole dispose d’un outil de gestion légalement reconnu : les droits de plantation. L’abolition de ces droits, planifiée pour 2015, mènera à un doublement des surfaces plantées et à une possible crise de surproduction.
Sur la base des expériences des producteurs, il est apparu que la gestion de la qualité des DOP et des IGP au travers du respect des cahiers des charges et de la protection contre les usurpations, ne sont pas suffisants pour le développement des IG. Nous avons besoin d’autres outils qui nous permettent de gérer la quantité produite afin de satisfaire au mieux la demande du marché.
Il est nécessaire de souligner que les consommateurs ne bénéficient pas de la crise du marché. Très souvent, les prix baissent au niveau de la production mais pas au niveau des consommateurs. Lorsque sur le plan financier les producteurs subissent d’énormes pressions, il existe un sérieux risque de perte de qualité du produit final. Cela explique pourquoi il est impératif de prévenir les crises, et la gestion de la production peut largement y contribuer. Comme l’a démontré la Champagne, la maîtrise du potentiel de n’a pas eu d’impact négatif sur le prix pour les consommateurs. En effet, au cours des trente dernières années, le prix des bouteilles de Champagne n’a augmenté en moyenne que de 0,30% par an. La régulation de la production n’a pas un objectif spéculatif mais vise à soutenir le développement des IG.
Les vins à appellation d’origine ont besoin d’outils qui leur permettent de gérer d’une manière équilibrée et rationnelle le développement de leurs marchés, afin de prévenir les crises. En effet, les règles du droit de la concurrence concernant le secteur agricole doivent être remises à jour, et la première partie de cette réforme devrait se focaliser sur le rôle des organisations représentatives des IG : celle-ci devrait être détentrice du droit de gestion de la production afin d’assumer un rôle plus influent sur le marché. Ceci est d’autant plus important que ces dernières représentent des produits dont la qualité et l’artisanat sont liés à des petites structures de production qui sont, par conséquent, très fragiles dans leur relation avec les marchés. Il existe la nécessité commune de pouvoir maîtriser les volumes produits car il est vrai que la protection, le contrôle et la promotion sont essentiels, mais malheureusement insuffisants pour avoir un impact sur les revenus des producteurs.
Les DOP et les IGP sont perçues comme des marques par les consommateurs. Tandis que les ayant-droits peuvent gérer librement leur production, les producteurs de DOP et d’IGP, pour leur part, ne sont pas autorisés à le faire. Il est important de souligner que les IG sont des Droits de Propriété Intellectuelle (DPI). En conséquence, les organisations de gestion des IG doivent être en mesure de les gérer comme bon leur semblent, y compris au niveau de la production. N’oublions pas que le succès de nombreuses IG aujourd’hui s’appuie sur le fait que pendant longtemps ces IG ont été gérés et protégés, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Nous ne réclamons en aucun cas une mesure particulière de soutien à notre secteur, mais uniquement la mise en place d’outils permettant de gérer de façon harmonieuse le développement de nos marchés et la prévention de crises éventuelles.
II. La nécessité de maintenir les deux concepts: les DOP et les IGP
Dans sa Communication, la Commission Européenne estime qu’il est nécessaire de simplifier le cadre juridique actuel. Elle propose de fusionner les DOP et des IGP dans un même concept.
Nous nous opposons fermement à ce changement car il s’agirait tout simplement de diluer les DOP dans un concept plus proche des IGP, dans lequel il y a une plus grande liberté d’opérer. Il existe des différences majeures entre le concept de DOP et celui de IGP, notamment le lien entre le produit et l’aire géographique ainsi que les critères de production et de transformation des produits. Il est impératif de maintenir deux instruments parfaitement distincts, un pour les IGP et l’autre pour les DOP, distinction qui se base sur plus de deux cents ans d’histoire pour le secteur du vitivinicole.
III. Maintenir un système de protection européen et international unique
Dans sa Communication, la Commission Européenne déclare « toutes les indications géographiques n’ont pas une réputation et un potentiel commercial qui transcendent les frontières nationales». En conséquence, celle-ci propose différents niveaux de protection au sein de l’Union Européenne, c’est-à-dire que les DOP et IGP disposant d’une solide réputation et d’un large potentiel commercial pourraient bénéficier d’une protection au niveau européen, laissant ainsi les autres, protégées uniquement au niveau national ou régional.
Cette différenciation est totalement inappropriée et préjudiciable, pour les producteurs comme pour les consommateurs, dont les conséquences seraient les suivantes :
– Pour les producteurs : Plus de garantie de la protection de leurs DIP, un droit pourtant inaliénable;
– Pour les consommateurs : Confusion dans leur esprit et absence de distinction entre produit original et contrefaçon.
Questions: Comment peut-on imaginer le développement d’un système qui protège une IG uniquement au niveau local ou national mais qui ne prévoit pas une telle protection au niveau du marché unique européen? Quelles seraient alors les conséquences, si une protection au niveau européen n’existait pas, pour une IG, si celle-ci devait être protégée dans un État Membre, mais qui serait contrefaite dans un autre? (Ex. l’affaire du Parmesan en Allemagne : cas emblématique qui a démontré que même lorsqu’il y a des règles bien établies au niveau de l’UE, il est difficile et coûteux d’assurer une protection complète des GI).
Si toutes les IG ne sont pas protégées uniformément, les IG enregistrées en dernier auront moins de droits. Les problèmes d’usurpations et de contrefaçon sur les marchés des Pays Tiers ne seront pas résolus si le système proposé par la Commission Européenne est adoptée, puisque les IG notoires qui tenteront d’être protégées dans les marchés tiers devront faire face à des contrefaçons bien établies. Par conséquent, le critère d’exportation ne peut être un argument valable pour mettre en œuvre deux niveaux parallèles de protection.
IV. Renforcer le système des IG au niveau international
Les producteurs d’IG sont confrontés quotidiennement à des cas d’usurpation sur les marchés mondiaux (dont certains sont très importants). Ce problème est très coûteux pour les producteurs: ils dépensent des millions d’euros chaque année dans des actions juridiques, perdant ainsi des opportunités de marché et subissant des dommages considérables d’image et de crédibilité. En outre, les consommateurs subissent également les méfaits de la contrefaçon puisqu’ils sont induits en erreur sur la qualité et l’origine du produit qu’ils acquièrent.
Bien que les progrès dans ce domaine soient lents, on peut observer des signes positifs grâce aux efforts remarquables et continus de la Commission Européenne qui tente d’adapter les systèmes de protection internationale aux besoins de la protection des IG. En effet, aujourd’hui, il y a un nombre croissant de pays développant leur propre système de protection des IG, qui sont aussi ouverts à nos IG.
Nous suivons attentivement les négociations en cours et nous espérons sincèrement que votre soutien poussera la Commission Européenne à poursuivre :
– Le renforcement des règles de l’OMC, notamment en ce qui concerne la création d’un registre multilatéral avec un réel impact juridique;
– La poursuite de la négociation d’accords régionaux et bilatéraux avec les «pays stratégiques»,
– L’insertion de la protection des IG dans le champ d’application de l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACAC).