- La conclusion d’un accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les USA est l’une des priorités de l’UE en 2015. Le secteur du vin peut-il bénéficier de ce projet?
Le marché américain est aujourd’hui notre premier marché d’exportation. La consommation de vin aux Etats-Unis a connu cette dernière décennie une progression importante. En effet, en 2013 les USA sont devenus le plus grand pays consommateur de vin au monde. Il s’agit donc d’un marché très porteur et en pleine croissance.
L’accord vin conclu avec les USA en 2005 a été une première étape mais il présente de sérieuses lacunes, notamment en ce qui concerne la protection de nos appellations. Un grand nombre d’entre elles, parmi lesquelles les plus prestigieuses comme Champagne, Chianti, Porto, Chablis, Sherry, Bourgogne et 10 autres, sont considérées par le législateur américain comme étant des termes semi-génériques. Un producteur californien peut donc produire et commercialiser du ‘Californian Champagne’ en toute liberté. Ceci non seulement a un impact sur nos parts de marché et sur la fidélisation des consommateurs mais cela risque aussi de diluer le concept même d’Indication Géographique (IG). En ce qui concerne le reste de nos appellations, elles sont protégées par un système d’étiquetage géré par le ‘United States Alcohol and Tobacco Tax and Trade Bureau’. Il s’agit donc d’une protection contre la tromperie du consommateur et pas à proprement parler d’un droit de propriété intellectuelle. Pour mieux se protéger aux Etats-Unis, de nombreuses IG doivent donc investir dans l’enregistrement d’une marque commerciale ce qui est onéreux et pas toujours très efficace. Cet accord de libre-échange représente donc une véritable opportunité pour remettre les pendules à l’heure.
- Quels sont a contrario les risques?
Tout accord est fruit d’un compromis. Cela signifie donc qu’en retour de la protection de nos IG aux USA nous risquons de devoir lâcher du lest. Les Etats-Unis mènent depuis toujours une politique qui va l’encontre de la reconnaissance des IG ; il est difficilement imaginable qu’ils fassent un pas dans notre direction sans rien nous demander en contrepartie. On peut s’attendre à des demandes de leur part sur les pratiques œnologiques ou sur les mentions traditionnelles – autre pomme de discorde. Cependant, le plus grand risque que j’entrevois à présent est un accord de libre-échange a minima. Les Etats-Unis ne sont jamais entré dans le vif du sujet et vu la volonté de l’UE et des USA de finaliser rapidement cet accord nous risquons d’avoir un accord qui n’inclura pas d’avancées sur la protection des IG.
- Comment EFOW travaille avec la Commission et le Parlement européen sur ce sujet?
EFOW mène depuis deux ans une campagne d’information et de sensibilisation auprès des institutions européennes. Notre premier objectif a été de s’assurer de l’inclusion de la protection des IG dans le cadre du mandat du Conseil des Ministres à la Commission européenne pour le lancement des négociations. Aujourd’hui, nous agissons pour que les IG fassent partie de l’accord final et soient réellement protégées. Cela passe par la participation et la prise de parole à des forums publics, des groupes de dialogue civile, des conférences organisées par les négociateurs européens et américains, mais aussi par la communication avec la presse et des rencontres avec les services du Commissaire Hogan et des Députés européens.
- Le dossier du « .vin » et du « .wine » a permis de rappeler l’importance stratégique de la protection des noms pour l’UE et certaines régions américaines (Napa Valley, Long Islang, Oregon wine etc). La protection des IG sur internet doit-elle devenir une priorité dans toutes les négociations commerciales?
Jusqu’à aujourd’hui les négociations internationales se sont concentrés essentiellement sur le monde réel (offline) et n’ont pas prêtés suffisamment attention au monde virtuel (online). Toutefois, ces dernières années, avec la diffusion des technologies de l’information et de la communication, Internet est devenu un outil de plus en plus utilisé par les consommateurs pour s’informer et faire leurs achats. Pour citer quelques chiffres, les ventes en ligne de vin ont augmenté de 30% par an. Internet risque donc de devenir dans le futur proche un de nos plus gros marchés. Il est fondamental de définir les règles du jeu sur ce marché afin d’assurer une concurrence loyale et équitable. Les membres d’EFOW estiment que la Commission européenne doit lancer des réflexions approfondies sur ce dossier et s’attaquer à cette nouvelle réalité avant que cela soit trop tard et que des potentiels débouchés pour nos producteurs soient cyber-squattés.